Proposition de loi sur la médiation animale : Où sont les fermes d'animation ?
- lamideysophie
- il y a 4 jours
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La récente proposition de loi visant à encadrer les pratiques de médiation animale en France constitue une avancée importante pour structurer un secteur en plein essor, et je m’en réjouis sincèrement. Cependant, l’absence de référence aux fermes pédagogiques et aux animaux de ferme reste préoccupante : elle passe sous silence une réalité de terrain incontournable, ce qui m’attriste autant que cela m’inquiète.
Depuis des décennies, de nombreuses fermes pédagogiques accueillent des publics vulnérables (personnes en situation de handicap, en situation de fragilité sociale ou en développement) dans le cadre de projets pédagogiques, éducatifs ou thérapeutiques. Ces fermes jouent un rôle dans l’histoire et le développement de la médiation animale, en s’appuyant sur la richesse des interactions homme-animal, sans attentes et projection.
J’aime rappeler que les prémices de ce que l’on appelle aujourd’hui la zoothérapie apparaissent en Europe dès le IXᵉ siècle en Belgique, à Gheel. Un texte de Jules Duval (1860) y décrit des malades trouvant réconfort et équilibre auprès des animaux :
« Les uns s’intéressent au bétail auprès duquel ils vivent, d’autres aux oiseaux dont ils se font des compagnons.»
Au XVIIIᵉ siècle, l’Angleterre faisait état de pratiques similaires, en confiant à des patients la garde de lapins et de volailles. Déjà à l’époque, comme aujourd’hui, il s’agissait d’accompagner l’humain à travers les besoins et les rythmes des animaux, qui n’étaient pas éduqués pour « faire » de la médiation, mais simplement eux-mêmes. Contrairement à certaines espèces éduquées pour répondre à des objectifs précis, les animaux de ferme sont accueillis et appréciés pour ce qu’ils sont. Leur personnalité se construit au contact de leurs pairs et dans un quotidien où l’humain va les familiariser à l'environnement de la ferme d'animation. Seuls les animaux dont le tempérament correspond à la vie de la ferme y sont accueillis ; les autres sont orientés vers un lieu plus en adéquation avec leur bien-être
L’impact des fermes d’animation et des animaux de ferme auprès des publics vulnérables n’est plus à démontrer. Comme je l’évoque dans mon livre Un regard sur la ferme d’animation, ces lieux offrent bien plus qu’un simple contact avec l’animal.
Ils permettent de sortir de l’institution : À la ferme, les personne sont accueillies dans un espace pensé pour elles, à leur rythme, dans le respect de leur individualité.
"C'est une parenthèse au calme, comparativement à l'agitation de l’hôpital de jour..." Colette, infirmière de secteur psychiatrique dans "Un regard sur la ferme d'animation"
Contrairement aux structures classiques, la ferme est le lieu de vie des animaux, ils y sont chez eux. Cette dimension change tout. C'est un environnement vivant, chaleureux et apaisant.
"On quitte tous nos blouses, blanches ou de malades, les animaux ne s'en préoccupent pas..." Delphine, psychomotricienne dans "Un regard sur la ferme d'animation"
La diversité des espèces permet une multitude de rencontres. Rien n’est imposé : la ferme laisse le choix de la relation, en s’appuyant sur des animaux sociables, habitués à la présence humaine, choisis pour ce qu’ils sont, non pour ce que l’on attend d’eux.
En s’appuyant sur les besoins quotidiens des animaux, les fermes proposent des activités concrètes, utiles et valorisantes : nourrir, nettoyer, soigner, observer. Ces gestes simples responsabilisent, renforcent l’estime de soi, développent la confiance, et surtout procurent du plaisir.
"Donner à manger, brosser, caresser, c'est prendre soin de l'autre, d'un autre vivant, c'est tout ce que l'enfant autiste doit faire par apprentissage et s'occuper de l'animal remplit cet objectif." Valérie, enseignante spécialisée dans "Un regard sur la ferme d'animation"
Enfin les animaux de ferme résonnent aussi dans les histoires de vie de nombreuses personnes, constituant ainsi un formidable point d’ancrage pour entrer en relation.
Dans de nombreux pays européens et bien au-delà, la médiation animale avec les animaux de ferme est déjà pleinement reconnue et intégrée. Le prochain colloque de la European Federation of City Farms (EFCF), consacré au thème du « prendre soin » à la ferme, en est une illustration parlante.
Ne pas citer les fermes pédagogiques dans la loi, c’est occulter une partie des acteurs essentiels de la médiation animale, risquer de les exclure du futur cadre réglementaire et marginaliser des pratiques pourtant riches de sens et d’impact. Il est tout aussi essentiel de souligner que la ferme d’animation respecte déjà les exigences de bien-être animal attendues par le texte de loi, puisqu’elle dépend de la réglementation encadrant les détenteurs d’animaux de rente, avec un responsable dédié qui en garantit l’application au quotidien.
J’espère qu’un ou plusieurs amendements viendront enrichir cette proposition de loi afin d’élargir son périmètre aux fermes pédagogiques et aux animaux de ferme. Ce serait un pas décisif pour reconnaître un savoir-faire de longue date, protéger ces formidables lieux et représenter ainsi la diversité des formes que prend la médiation animale sur le terrain.
Sophie Lamidey - Septembre 2025
“Twelve dimensions were identified where farm animals contributed positively to health: meaningful daily occupation, building relationships, feeling useful, providing respite, encouraging reflection, offering behavioral structure, supporting personal development, and more.”
« Douze dimensions ont été identifiées où les animaux de ferme contribuent positivement à la santé : une occupation quotidienne porteuse de sens, la création de relations, le sentiment d’utilité, l’apaisement, la stimulation de la réflexion, une structuration des comportements, le soutien au développement personnel, et bien plus encore. »
Hediger, K., Meisser, A., & Zinsstag, J. (2017). A One Health research framework for animal-assisted interventions. Animals, 7(6), 45. doi:10.3390/ani7060045
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